Monique Mercure (1930-2020)

Le milieu culturel perd un feu vibrant 

Monique Mercure nous a quittés dimanche à l’âge de 89 ans. Une femme forte, aimante et énergique. Grande actrice et très grande tragédienne, elle a été pour bien des interprètes un modèle de détermination et d’exigence. La Presse a recueilli des réactions du milieu culturel, en deuil d’une de ses meilleures ambassadrices.

Marcel Sabourin, acteur

« Jouer avec Monique, c’était du bonheur pur et simple ! », se souvient le comédien de 85 ans. Il a connu Monique Mercure au tout début de sa carrière. Mais c’est en 1977 qu’il a eu le bonheur de jouer dans J.A. Martin photographe, film de Jean Beaudin qui a permis à la regrettée actrice de gagner un prestigieux prix au Festival de Cannes.

M. Sabourin garde d’ailleurs un beau souvenir de sa dernière sortie avec la comédienne, l’an dernier au Théâtre Outremont, à l’occasion d’une projection spéciale de J.A. Martin photographe : « J’étais assis à côté d’elle. Comme je revoyais le film pour la sixième ou septième fois, j’ai porté mon attention sur son jeu. Monique, qui est de presque chaque plan du film, est admirable de justesse, de subtilité, dans chaque détail, à chaque seconde et dans chaque situation du film ! Tout au long, son jeu sonne juste comme une note de musique [Monique était aussi violoncelliste]. Je me tournais souvent vers son siège pour la regarder. Elle était heureuse…

« Je lui ai parlé, pour la dernière fois, début mars. Elle avait une petite voix faible, elle était fatiguée et semblait résignée. Elle qui aimait profondément la vie souffrait de ne plus pouvoir rien faire… Je me console en sachant qu’elle nous a quittés en paix, doucement auprès de sa fille Michèle. Et qu’elle nous laisse des petits-enfants, des arrière et des arrière-arrière-petits-enfants. Elle nous laisse sa trace comme le sillage d’un grand navire ! »

Lorraine Pintal, metteure en scène

La directrice artistique et générale du Théâtre du Nouveau Monde (TNM), Lorraine Pintal, parle d’une femme d’exception et d’une « perte incroyable » pour le milieu culturel. Une comédienne « avec un grand C », qui pouvait passer de la création québécoise, dans des pièces de Tremblay ou de Bouchard, au répertoire classique et ancien. « Elle était le théâtre ! », résume Mme Pintal, qui se rappelle la comédienne incarnant magnifiquement Hécube dans Les Troyennes, au TNM, sous la direction d’Alice Ronfard.

Mme Pintal se souvient aussi « d’une femme forte, vivante, énergique, au tempérament fougueux, voire excentrique… C’était une amazone ! » « J’ai aussi le souvenir d’une tournée du TNM au Québec avec Monique, dans la pièce Equus. J’ai alors découvert une femme plus fragile et amoureuse. »

Michel Tremblay, auteur

« J’ai tellement de peine », nous a confié Michel Tremblay, pour qui la comédienne a défendu nombre de grands rôles. « Je garde de beaux souvenirs de moments passés avec cette grande actrice ! Entre autres, je me souviens de la tournée fantastique d’À toi, pour toujours, ta Marie-Lou dans cinq pays d’Europe, en 1979 – on a fait 28 villes en 74 jours ! Monique était une extraordinaire trooper, on ne s’ennuyait jamais avec elle. Sa présence dans ma vie a été précieuse. Je la remercie d’avoir si bien défendu mes personnages : Albertine, Rose, Fernande et les autres. »

Simon Brault, chef de la direction du Conseil des arts du Canada

« Monique Mercure a été pour moi une “mentore” et une complice de tous les instants », témoigne Simon Brault, qui a connu l’actrice en 1991, à l’École nationale de théâtre du Canada, alors qu’elle était directrice générale de cette institution montréalaise. Selon lui, Mme Mercure a contribué à relancer et à faire rayonner l’École nationale dans les années 90. « Monique a ouvert toutes les portes et défoncé bien des plafonds de verre. Elle s’est aussi battue bec et ongles pour le cinéma québécois à une époque où c’était moins courant de le faire. »

« Je viens de perdre une amie de près 30 ans, poursuit Simon Brault. Nous étions liés par une amitié active que seule la mort pouvait interrompre. Elle disait à qui voulait l’entendre qu’elle était ma deuxième mère. Elle m’avait appris comment lire un discours convenablement, comment éclaircir ma voix avant de parler dans un micro, comment avoir de bonnes manières, et que je pouvais toujours faire mieux. Elle était aussi exigeante envers les autres qu’elle l’était envers elle-même. »

Monique Miller, comédienne

Après la mort de Renée Claude, la semaine dernière, Monique Miller est secouée par cette autre disparition dans le milieu culturel et par le départ d’une amie et d’une camarade de jeu avec qui elle parlait presque chaque jour au téléphone. « Monique [Mercure], c’était la beauté, la gentillesse, la spontanéité, mais aussi une grande force de caractère, une forte personnalité. En plus de faire le même métier, nous avons les mêmes initiales et le même prénom. Et on nous a souvent confondues l’une et l’autre. Elle me disait : “Combien de fois on t’a appelée Mercure cette semaine ?” Et vice versa. Ça nous amusait. »

Guylaine Tremblay, comédienne

Guylaine Tremblay a joué dans Albertine en cinq temps, aux côtés de Monique Mercure. Dimanche, elle a salué « l’unique et grande actrice » sur sa page Facebook. « Ton Albertine reste pour moi un immense moment de théâtre ! Et une grande leçon de jeu ! Je suis si contente d’avoir pu te parler avant que tu partes. Tu te souvenais de tout. Nos tournées, nos regards pendant Fleurs d’acier, notre loge au Bois de Coulonge à Québec, où, avec Monique Miller, on avait mis des photos de Gerry Boulet, qui venait de nous quitter… »

Louise Latraverse, comédienne

Louise Latraverse s’est aussi exprimée sur sa page Facebook : « J’apprends le décès de Monique Mercure. Le ciel s’assombrit. Tout devient triste et gris. Ces jours-ci, la mort prend trop de place. Mes condoléances à ses proches et à sa grande famille artistique. Repose en paix avec ceux que tu aimais. »

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